LA CONSCIENCE N’EST PAS UN CONTENANT :
La conscience ne peut rien contenir en son dedans car elle n’est pas un contenant.
Si elle pouvait contenir alors rien ne s’en échappera une fois introduit en son dedans. Par exemple il aura suffit de lire une fois un texte pour tout de suite l’introduire dans la conscience une bonne fois pour toute, se l’approprier et le comprendre d’un coup quelle que soit sa longueur surtout lorsqu’il est écrit dans une langue que l’on assimile bien ; or cela n’a jamais été le cas.
La connaissance comme contenu réelle de la conscience n’est donc pas possible et n’est qu’un pseudo contenu.
En effet l’oubli au service de la conscience et comme marque ou instance d’une certaine forme ou aspect de dépassement ou du devenir est toujours là pour la débarrasser de la connaissance à chaque fois que l’occasion se présente.
Ce qui se passe alors au niveau de la conscience, c’est que cela que l’on nomme connaissance est un produit de phénomène rendu possible par la répétition, la routine grâce au langage, obligeant la conscience à le maintenir, ce phénomène, longtemps en face d’elle. Et c’est parce que d’ailleurs la conscience le maintient en face d’elle qu’il lui est toujours possible de s’en débarrasser par l’oubli à chaque fois que l’occasion se présente.
L’expérience n’est donc pas à accumuler mais à dépasser au nom de la contingence et de l’animation pêle-mêle du Monde.
Seulement l’humain, parce qu’incapable, décadent, moribond, et ne comprenant rien de lui-même ni du Monde, a alors besoin de s’agripper à toute expérience de sa part pour y rechercher d’une manière ou d’une autre le salut ou un refuge. Et nous de nous demander quel salut ou refuge !
Aussi a-t-il besoin de répéter et de toujours répéter routinièrement pour alors croire et faire croire qu’il y a là dans cette répétition ou routine un acquis comme contenu dans la conscience.
Toujours est-il qu’à chaque fois que l’occasion se présente, l’oubli vient toujours nous persuader du contraire pour alors nous révéler la conscience non pas comme un contenant mais comme quelque chose qui tient toujours tout ce qui lui est extérieur en face d’elle et non en son dedans.
Par ailleurs, il a été dit tout à l’heure que la connaissance est un phénomène de produit rendu possible par la répétition, la routine grâce au langage obligeant la conscience à la maintenir longtemps en face d’elle.
En fait c’est parce que le langage lui-même apparaît comme la connaissance source, originelle et catégorielle que le caractère décadent et moribond de l’homme impose irrévocablement à la conscience l’obligeant tout le temps à le maintenir, ce langage, sans faille en face d’elle à tel point que l’humain ne peut qu’en croire qu’il, le langage, n’est que contenu dans la conscience.
L’on peut donc se rendre compte et s’étonner O combien l’esprit humain a été et demeure un conscience dénaturée, parasité, gangrenée, aliénée, parce qu’ayant usurpé l’existence à la « conscience agissante et saine. »
Réflexion sur le concept de la philosophie classique de « phénomène » :
Le concept de phénomène selon l’acception de la philosophie classique apparaît plus comme un postulat rendant possible sa théorie de l’entendement avec son concept de raison.
Il demeure toutefois que la critique phénoménologique à son encontre est bien pertinente même si avec le néo-existentialisme cette critique nécessite d’être étendue, explicitée et complétée.
Rappelons que selon la philosophie classique ou rationnelle les phénomènes seraient des données ou impressions fugitives et chaotiques relevant du domaine du connaissable tandis que les objets en soi, « en tant que leurs sources » sont inconnaissables.
L’on peut déjà voir que dans la démarche de cette philosophie l’esprit humain s’incorpore, s’approprie les choses notamment les phénomènes, tandis que ce ne peut être le cas pour les choses en soi.
En revanche le néo-existentialisme découvre en effet que toute chose étant action est en même temps émanation, de soi au point que tout autre chose qui peut se saisir de cette émanation peut se rendre compte de la source qu’est la chose en soi.
En effet l’émanation nous conduit jusqu’à la chose puisque provenant d’elle, tandis qu’entre nous et la chose le tout n’est qu’interaction où la conscience ne sait que saisir et placer tout ce qui lui est alors extérieur en face d’elle ; elle ne peut donc introduire quoi que ce soit en son dedans d’elle.
C’est dire que la conscience ne peut contenir aucunement de catégories ni de concepts a priori, ni d’idées innées.
En effet le rapport, non de l’esprit, mais de la conscience avec tout ce qui lui est extérieur est un rapport exclusivement interindividuel où la conscience ne se met nullement à vouloir s’approprier, s’incorporer son vis-à-vis au point de le contenir en elle-même, en son dedans d’elle.
Seulement il a fallu qu’advienne le langage avec « ses propriétés dénaturantes » pour que la conscience dénaturée c’est-à-dire l’esprit humain se mette à vouloir s’approprier en privé la réalité au point de vouloir la contenir en son dedans à lui l’esprit.
Pour ce faire il a besoin de la retenir, de beaucoup la ralentir dans sa coulée, de la figer, de la rendre statique, puis de l’organiser en s’auto organisant au préalable.
Aussi l’esprit humain se subdivise-t-il en plusieurs facultés avec plusieurs propriétés.
Mais que l’on ne se leurre pas ! C’est parce que l’esprit humain ne comprend rien de lui-même ni de la réalité du Monde fuyante et pêle-mêle qu’il a alors besoin de se réfugier dans un pseudo monde statique, cadré, tout calme et immobile, tout organisé pour résister et fuir face à la réalité existentielle.
Avec l’humain la conscience se voit dénaturée et n’est plus aventurière comme le Monde, elle devient ce qui se nomme esprit qui devient dans son caractère décadent, fugitif, angoissé, peureux et moribond trop circonscriptif de la réalité existentielle.
C’est ainsi que la philosophie classique ou rationnelle n’a été qu’un effort de justification et de promotion d’un tel esprit avec ses notions de concepts a priori et ses catégories de l’entendement.
Et d’ailleurs admettre que l’esprit humain ou cette conscience dénaturée est structurée en « phénomènes » a priori tels que la raison, l’entendement, les catégories (…), c’est admettre implicitement que la conscience a su et sait se coïncider avec elle-même au point de pouvoir saisir sa structure interne.
Or le néo-existentialisme a su démontrer que cela est impossible, d’autant que le contraire laisserait entendre que l’on peut connaître de quoi comme matériau est faite la conscience, ce qui n’est point établi jusqu’ici.
Seulement il a fallu être humain pour être dans l’erreur et l’ignorance de ce qu’est la conscience, et ce parce que le langage.
En effet tout ce qui est concept ou catégorie a priori de l’esprit ou conscience dénaturée n’est en réalité que les propriétés catégorielles du langage.
Et pour le savoir, il suffisait de remettre radicalement, profondément en question non seulement la raison mais surtout le langage.
Et telle rupture radicale, profonde, entamée dans une mesure significative mais pas suffisante par « seulement » F. Nietzsche, va connaître son accomplissement avec le néo-existentialisme de Jubil Boissy.